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Le Havre d'avant... ou l'histoire en photo de la ville du Havre et des Havrais avant la guerre...
18 août 2008

L'Hôpital général du Havre, en 1669...

Allez, finies les vacances, à la demande générale, dans les commentaires (moins nombreux en ce moment d'ailleurs...) ou par mails, je repars pour une série de petits (!) articles davantage historiques.

Je reprends aujourd'hui l'histoire des hôpitaux du Havre. J'ai déjà évoqué les deux premiers lors de précédents posts :

Je vais maintenant vous parler du troisième : l'hôpital général du Havre, bâti en 1669.

Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, le nombre de mendiants et de pauvres augmente de façon exponentielle en France. La seule réponse que trouve l'Etat pour résoudre ce problème est d'enfermer ces personnes... L'enfermement est en effet prôné par Colbert par un édit de 1662.

Du coup, on construit un peu partout dans les villes ou les gros bourgs de France des "hôpitaux généraux"... et Le Havre n'échappe pas à la règle. La fondation d'un hôpital général au Havre est demandé au Roi en 1667, pour former les pauvres "à la piété et Religion chrestienne et aux mestiers dont ils sont capables", mais également pour y enfermer les enfants abandonnés, les filles perdues, les vénériens, les fous. Cette politique hospitalière va perdurer pratiquement jusqu'au milieu du XXe siècle !

Le Conseil du Roi, après enquête, rend un arrêt le 20 mars 1669 où il décide de la création d'un hôpital général pour la ville du Havre, mais sur le territoire de la commune voisine d'Ingouville.

Les Lettres patentes (c'est un acte par lequel le roi donne autorité à un droit, à un état ou à un privilège : cela correspond dans notre droit à un décret pris en Conseil d'État) du 16 mai 1669 précisent les modalités de cette création. L'établissement portera le nom d'Hôpital général de la Charité Saint-Jean-Baptiste : on y enfermera tous les pauvres mendiants valides et invalides, sains et malades de la ville du Havre et du bourg d'Ingouville. Des soins pourront aussi être dispensés aux personnes malades.

Parallèlement, on interdit de mendier en ville sous peine de carcan pour la première fois, puis du fouet et enfin des galères pour les hommes et du bannissement pour les femmes, en cas de récidive.

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Médaille commémorant l'édit de 1700, interdisant la mendicité.
(Illustration extraite de l'ouvrage de Philippe Manneville, p. 12)

En fait, l'Hôpital général n'est pas perçu comme un établissement médical, mais "comme un étrange pouvoir que le roi établit entre la police et la justice" (Michel FOUCAULT, Histoire de la folie à l'âge classique, Le Monde en 10/18, cité par Philippe Manneville dans l'ouvrage mentionné dans les sources, p. 14).

Toutefois, pour le pouvoir royal, il ne s'agissait pas simplement d'enfermer les mendiants, il fallait encore les faire travailler lorsqu'ils en étaient capables. C'était à la fois une thérapie mais aussi un moyen de récupérer des fonds pour l'hôpital. Des accords sont donc établis avec des artisans de la ville, des capitaines de navires qui viennent former les mendiants et les pauvres de l'hôpital, mais ces derniers pouvaient aussi être placés auprès de ces artisans et capitaines, en ville. Toutefois, cet apprentissage était surtout dispensé aux enfants abandonnés...

Cependant, il ne suffisait pas de décider de créer un nouvel établissement et de lui donner un programme et des moyens, il fallait tout d'abord le construire. On avait désigné Ingouville comme terre d'accueil, mais pourquoi ce transfert ? Je vous rappelle que l'hôtel-Dieu du Havre se trouvait à cette époque à l'emplacement du futur Arsenal, donc au Havre.

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Vue du Bassin du Roy datée de 1667.
On remarque l'Hôtel-Dieu et sa chapelle, peu de temps avant sa démolition et la construction de l'Arsenal.

(Illustration extraite de l'ouvrage de Jean Legoy, p. 79)

Donc, pourquoi ce transfert ? Sans doute parce qu'il n'offrait pas les capacités suffisantes et qu'une extension n'était pas possible. A cette date, Le Havre est encore enclavé dans ses remparts et les terrains manquent en ville, d'où des constructions tout en hauteur... (voir à ce propos un précédent billet sur ces maisons de plusieurs étages construites rue Dauphine, maisons pour quelques unes encore debout aujourd'hui...)

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Le désir d'installer le nouvel hôpital hors des murs du Havre tient aussi en partie à la volonté du pouvoir royal de pouvoir respirer dans cet établissement un air un peu plus salubre qu'en ville. "Mais il y a surtout qu'au même moment, sous l'impulsion de Colbert, qui avait choisi Le Havre pour faire le grand port militaire du Ponant, se décidait la construction d'un arsenal de marine pour lequel il fallait trouver de la place. Or cette place ne pouvait que se trouver à proximité immédiate du seul bassin à flot du port, le bassin du Roi, réservé d'ailleurs à la marine de l'Etat ; l'emplacement de l'hôtel-Dieu se révélait être l'emplacement idéal. Tout, comme en 1591, l'hôpital avait dû céder sa place aux Capucins, l'hôtel-Dieu allait devoir laisser la sienne à l'Arsenal". (Philippe Manneville)

Le 30 mai 1669, la Ville vendait à la Marine la place et maison de l'hôpital moyennant la somme de 22.000 livres. Le même jour, les administrateurs du futur hôpital général acquéraient de Pierre de Grainville, pour la somme de 20.000 livres un héritage comprenant un terrain de 17 acres de terre sur lequel étaient établies une ferme et ses dépendances. La ferme fut d'ailleurs maintenue en activité jusqu'au XIXe siècle. Un bâtiment qui servit à l'époque de logement à l'aumônier de l'hôpital subsistait encore dans les années 1990.

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Dernière construction existant de la ferme où fut édifié l'Hôpital général du Havre en 1669.
(Photographie extraite de l'ouvrage de Philippe Manneville, p. 16)

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Il y a encore quelques années, ce vestige de l'ancienne ferme côtoyait le pavillon de la Direction.
Il n'existe cependant plus aujourd'hui... bien dommage !
(Photographie extraite de l'ouvrage de Philippe Manneville, p. 113)

Comme dans beaucoup de créations de l'époque, c'est une chapelle qui fut édifiée en premier, avec de chaque côté une aile de bâtiment.

En 1673, on ajoute un autre bâtiment à l'est dans la cour, puis en 1676, encore un autre au nord.

En 1708, on construisit un bâtiment pour les filles abandonnées ainsi qu'un mur autour du cimetière de l'hôpital.

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Plan de l'Hôpital général en 1712. Dessin de Martin Foache exécuté en 1814.
(AM Le Havre, II 23 p 375)

(Plan extrait de l'ouvrage de Philippe Manneville, p. 17)

En 1718, on édifia des cachots ou des cellules pour les fous furieux, ainsi qu'un moulin à blé pour les besoins de l'hôpital.

En 1720, grâce à un don de 6.000 livres de M. Duval d'Epremesnil, on put remplacer les fossés qui entouraient l'établissement par un mur, afin d'éviter les évasions.

En 1751, on acheva la construction dans la cour d'un bâtiment abritant les ateliers de menuiserie, de cordonnerie et de tissage, et, à l'étage, une crèche.

Les constructions de cet hôpital ne se sont donc pas faites en un jour, mais ont été étalées dans le temps, à la fois pour répondre aux besoins de l'hôpital, mais aussi pour tenir compte des possibilités financières... Des aménagements et des améliorations furent aussi apportées au fil du temps.

Concernant le mobilier et l'agencement intérieur, on a peu de renseignements. On sait simplement que les conditions de vie étaient mauvaises car non différentes des autres habitations de la ville, et que l'hôpital était peu entretenu et relativement insalubre. L'eau ne fut installée dans l'hôpital qu'en 1745. Auparavant, on faisait appel à des porteurs d'eau...

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Seul élément subsistant de la première chapelle, la chaire, d'époque Louis XV,
classée monument historique le 1er septembre 1978, se trouve aujourd'hui en dépôt dans l'église d'Harfleur.
(Photographie extraite de l'ouvrage de Philippe Manneville, p. 17)

J'arrête là cet historique de l'hôpital général du Havre. J'évoquerai dans les prochains jours ce qu'il advint de cet hôpital au XIXe siècle...

Sources :

- Le Havre de 1517 à 1966, 2500 dates au fil des années, Michel Eloy, Le Havre 1967.

- Le peuple du Havre et son histoire, Des origines à 1800 (volume 1), Jean Legoy, Le Havre 1980.

- Regards sur quatre siècles de vie hospitalière au Havre, Philippe Manneville, Centre Hospitalier du Havre,éditeur, 1994.

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Commentaires
P
haaa...ça fait du bien de se replonger dans le passé!! Après lecture, j'y vois plus une prison qu'un hopital!!!ho la la, fallait pas être du mauvais coté de la bienséance à cette époque, sinon...<br /> donc, comme d'hab...très intéressant, j'attend la suite...<br /> amicalement
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