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Le Havre d'avant... ou l'histoire en photo de la ville du Havre et des Havrais avant la guerre...
2 septembre 2008

Au Havre pendant le Siège (3/14)

Suite du récit de Pierre Courant, maire du Havre pendant l'Occupation...

Le début de cette série d'articles se trouve ici : Au Havre pendant le siège, avant-propos.

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Les préliminaires du siège

Samedi 2 Septembre 1944

Avant huit heures, un officier se présente à l'Hôtel de Ville. Depuis le 15 juin, j'y ai fait aménager une petite chambre et j'y couche chaque nuit pour pouvoir éviter toute perte de temps si un événement se produit. Nous sommes avisés, le sous-préfet et moi, que le commandant de la forteresse va nous faire une communication importante. L'heure exacte de la convocation nous sera précisée.

Je travaille toute la matinée. Quelqu'un vient m'annoncer que mon arrestation par la Gestapo est probable et que les F. F. I. m'offrent un asile et un moyen d'échapper dans un immeuble voisin de l'Hôtel de Ville.

La ville est toujours calme. Il y a quelques départs en très petit nombre. La population résiste à l'ordre d'évacuation et la situation se tend. On peut craindre une exécution brutale et les forces de la Résistance ne sont pas encore prêtes à intervenir.

A dix-huit heures, la nouvelle nous parvient que nous serons reçus à dix-neuf heures rue Félix Faure. Je m'y rends avec M. Chaumeil, sous-préfet, et nous sommes mis en présence du platzkommandant Brock, qui a toujours exercé ses fonctions avec correction, et de l'odieux conseiller Neumann, balafré de coups de sabres, qui a sans cesse affiché une haine violente pour la France et, récemment encore, disait de moi : "Ce maire, je le déteste." Peu après, le colonel Wildermuth entre dans le salon où nous nous trouvons.

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C'est ma seconde rencontre avec cet officier qui vient de prendre ses fonctions. L'autre fois, il nous avait reçus dans son blockhauss souterrain de la rue Félix Faure et nous avait signifié l'ordre d'évacuation. Dans la forme tout au moins, il paraissait vouloir donner une impression d'humanité et de compréhension. Cette fois, son visage est plus grave. Il nous salue à peine et nous dit à peu près ceci : "Un incident sérieux vient de se produire à Montivilliers où une sentinelle allemande a été prise avec ses armes par la population. J'ai sommé le maire de Montivilliers de restituer la sentinelle et les armes, en prévenant que je ferais tirer au canon si je n'avais pas satisfaction. Le maire n'a pu me restituer que les armes et j'ai fait tirer au canon sur Montivilliers. Ma mansuétude est à bout, et j'ai décidé d'ordonner pour demain à midi l'évacuation de la totalité de la population se trouvant dans le camp retranché à l'est d'une ligne qui continue l'axe du boulevard de Graville et en outre la population de Sainte-Adresse et Bléville en entier. Les évacués sortiront : ceux de l'est, par Harfleur, ceux de l'ouest par Octeville, la sortie par Rouelles étant impossible."

Le colonel ajoute quelques mots dont il résulte que des combats ont lieu sur la route d'Harfleur.

Nous comprenons aussitôt qu'une sentinelle a déserté et qu'elle n'a pas voulu rentrer dans le camp retranché. Fourberie naïve qui ne trompe personne ! Mais la situation est très inquiétante pour toutes sortes de raison...

Aussitôt, je fais remarquer au colonel qu'il engage gravement sa responsabilité en ordonnant à la population de quitter Le Havre par une route où ont lieu des combats. Des personnes seront tuées et le cas sera grave. Même si le sous-préfet fait la plus grande diligence pour transmettre la communication qui lui est donnée en ma présence, la population ne pourra en avoir connaissance avant le début de la matinée de demain dimanche et le passage aux limites avant midi est matériellement impossible.

Mon interlocuteur maintient sa décision, mais consent à reporter à seize heures le délai extrême et il promet que, s'il y a des combats demain, la Feldgendarmerie en avisera aussitôt la population. "Il ne peut être question, dit-il, de la faire sortir s'il y a des combats et l'ordre sera reporté."

Il nous dit encore, d'un ton qui n'admet pas de réplique : "J'ai reçu la lettre dans laquelle le maire du Havre et ses collègues me demandent l'autorisation de rester dans le camp retranché avec les malades intransportables et les pompiers, après l'évacuation totale de la ville. J'autorise seulement le sous-préfet et le maire du Havre à rester, les autres maires devront partir."

Neumann, mielleux et soudain aimable, heureux sans doute des difficultés qui se présentent à nous, nous reconduit.

A l'Hôtel de Ville, le sous-préfet rédige un communiqué où il est fait mention que l'évacuation sera arrêtée s'il y a des combats sur les routes de sortie. Le sous-préfet ne peut transmettre cet ordre sans le visa du platzkommandant. Ce visa nous sera-t-il donné ?

Tard dans la soirée, le sous-préfet revient avec son texte, qui n'a pas été modifié.

Nous passons, mes collaborateurs et moi, la plus grande partie de la nuit à régler l'aide que nous apporterons à ceux qui voudront partir, certains d'ailleurs qu'ils seront en petit nombre et que les quarante mille personnes restées au Havre vont obéir aux consignes officieuses et rester sur place. Peut-être, quand les temps seront révolus, le soulèvement des forces françaises de l'intérieur en sera-t-il rendu plus facile.

Les photographies sont extraites de l'ouvrage de Jean-Paul et Jean-Claude DUBOSQ : Le Havre 1940-1944, cinq années d'occupation en images, éditions Bertout, Luneray, 1995, 1998.

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Commentaires
P
Un bouquin ? La question revient souvent, mais la réponse est claire :<br /> <br /> Jamais, je crois... tout du moins pas en ce qui concerne des écrits se rapportant au blog. Je ne fais que recueillir des informations qui, exceptées quelques unes qui proviennent de recherches personnelles aux archives, ont déjà été publiées sous différentes formes.<br /> <br /> Après, je compile, je trie, je remets en forme, parfois je recopie (comme dans cet article), mais rarement je crée pleinement. C'est pourquoi je cite toujours mes sources à la fin ou au début des articles, afin que le lecteur désireux d'en découvrir plus, puisse s'y référer, mais aussi et surtout, pour qu'il n'y ait pas de méprises sur qui a écrit quoi... Rendons toujours à César ce qui est à César...
D
à quand le bouquin?
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