23 mai 2009
Cambriolages dans la région havraise... la gendarmerie veille !
Avant-hier, grâce au concours d'André Devallière, j'ai pu vous présenter ce qu'était la Gendarmerie du Havre dans les années 30.
Outre les documents exposés dans ce billet, André m'avait envoyé deux autres photographies que je n'avais pas exploitées avant-hier. Je vais le faire aujourd'hui...
La première présentait un gendarme sur les pentes du Fort de Sainte-Adresse... Elle n'avait aucun rapport direct avec la Gendarmerie, si ce n'est qu'un gendarme était présent sur le cliché. Cependant, je trouvais ce cliché sympa, il permettait aussi de faire état de la proche proximité du Fort de Sainte-Adresse, fort qui revit depuis l'an passé avec la création des Jardins Suspendus...
Le second cliché était bien plus intéressant encore et il est le point de départ de cet article. Il présente trois gendarmes autour d'un véhicule dégageant une grande impression de puissance. André m'a confié que les Brigades du Havre avaient été fort impliquées dans l'arrestation d'une bande de malfrats organisés dans le cambriolage d'envergure. La voiture (dont je ne connais pas la marque) leur appartenait...
A gauche de l'auto, le Maréchal des Logis Valli et à droite, les gendarmes Brusseaux et Devallière. Au dos de l'auto, quelques dates évoquant un cambriolage sur Dieppe fin 1932...
Il ne m'en fallait pas plus pour essayer de retrouver trace de ce cambriolage dans la presse de l'époque... et notamment dans Le Petit Havre, quotidien fervent de faits divers en tout genre...
J'ai retrouvé ce cambriolage et j'ai pris des photographies des articles de presse. Malheureusement, la consultation de ces quotidiens ne peut se faire que sur microfilms et le rendu des photographies est de très piètre qualité... A chaque fois, je vous présenterai donc une photographie de l'article, mais je le retranscrirai pour faciliter la lecture sur le blog... (T'as vu Dan, je pense à toi !)
Le cambriolage eut lieu le samedi 13 février 1932, à Dieppe, chez un artiste peintre nommé M. Boyenval. Voici ce que disait l'article paru dans le Petit Havre du lundi 15 février 1932 :
"Dieppe - Un coffre-fort enlevé - Un cambriolage a été commis, dans la nuit, à Dieppe, chez un artiste peintre, M. Boyenval. Après avoir cassé un carreau et ouvert une fenêtre, des malfaiteurs ont enlevé un coffre-fort pesant 230 kilos et contenant une centaine de milliers de francs de titres et de numéraire.
Le coffre, qui a été passé par une fenêtre a dû être emmené dans une camionnette."
Finalement, un simple entrefilet relatait le fait divers. Une semaine plus tard, le samedi 20 février 1932, l'article du Petit Havre était déjà plus conséquent.
"Chronique régionale - Le coffre-fort volé à Dieppe est retrouvé à Oudalle - Nous avons signalé, dans notre numéro de lundi, que l'on avait volé à Dieppe, rue de Becquet, au cours de la nuit, un coffre-fort pesant 230 kilos et contenant environ 100.000 francs en titres et numéraire. Ce coffre-fort appartenait à M. Edouard Boyenval, artiste peintre.
Depuis, les gendarmes et la police mobile recherchaient et les voleurs et le coffre-fort.
Or, celui-ci a été retrouvé l'avant-dernière nuit par les gendarmes de Saint-Romain-de-Colbosc, dans une petite rivière, à Oudalle.
Le coffre-fort était défoncé et avait été, naturellement, vidé de son contenu. Il ne renfermait plus qu'une police d'assurance au nom de M. Boyenval.
La police mobile de Rouen poursuit son enquête."
L'enquête avancera tout doucement pendant plusieurs mois car, même si j'ai parcouru les journaux à la va-vite, je n'ai pas retrouvé de mention de ce cambriolage, ou d'avancée dans l'enquête jusqu'au jeudi 13 octobre 1932.
"Les cambriolages de Dieppe - Deux arrestations ont été opérées au Havre - Sept cambrioleurs sont ainsi sous les verrous. Nous avons relaté l'arrestation d'une bande de cambrioleurs, la plupart Havrais, convaincus d'être les auteurs de nombreux cambriolages commis à Dieppe, ou dans la région.
Parmi ces cambriolages, il en fut un qui intéressa en son temps particulièrement notre région et dont on pense tenir les auteurs.
Le 13 février dernier, en effet, on constatait que des malfaiteurs audacieux avaient pénétré dans le logement d'un artiste peintre, M. Edouard Boyenval, habitant à Dieppe, rue du Becquet.
Ils avaient descellé et emporté un volumineux coffre-fort pesant environ 230 kilos et contenant une centaine de mille francs en titres et numéraire.
Or, quelques jours plus tard, on retrouvait le coffre-fort aux environs du Havre dans une petite rivière, à Oudalle. Il avait été défoncé et naturellement vidé de son contenu.
Les gendarmeries du Havre et de Saint-Romain, dirigées par M. le capitaine Desfontaines, de même que la police mobile de Rouen avec l'inspecteur principal Pélissier, et les services de la Sûreté du Havre, avaient fait de nombreuses mais vaines recherches.
Pourtant, cette affaire n'avait pas été laissée à l'abandon. Il y avait notamment trace d'une certaine camionnette qui ne manquait pas d'aiguiser les recherches policières.
Il y avait lieu surtout de surveiller les agissements de deux individus fortement sujets à caution qui pouvaient très bien n'être pas étrangers à ce cambriolage si hardi. Vinrent ces derniers jours les arrestations de Derrien, Leplat, Drouot et Veirante à la suite de la laborieuse enquête de la brigade de gendarmerie de Dieppe.
Elles furent suivies lundi d'une cinquième, celle de Marcel Lelièvre, âgé de 24 ans, et sans domicile connu, qui fut conduit devant M. Lévesque, juge d'instruction.
Après un premier interrogatoire d'identité, on laissa quelques repos à l'inculpé, qui venait du Havre.
L'après-midi, M. Lévesque interrogea Marcel Lelièvre sur le fond de l'affaire.
A 20 heures, Lelièvre quittait le cabinet de M. Lévesque pour y revenir une heure après. Ce n'est qu'à deux heures du matin que l'inculpé regagna la prison du Pollet.
Au cours de ces divers interrogatoires, M. Lévesque recueillit d'intéressants aveux, portant sur un vol commis à la maison Obot.
Marcel Lelièvre n'en est pas à son coup d'essai. Il y a un an environ, il fut condamné au Havre à deux mois d'emprisonnement pour cambriolage.
Il a précisé le rôle de ses "camarades" dans l'affaire Obot, à laquelle il participa lui-même.
M. le juge Lévesque, à la suite des différents interrogatoires qu'il fit subir aux inculpés, avait également eu son attention attirée par la présence au Havre des deux individus dont nous parlons plus haut. Il donna l'ordre de les rechercher et de les appréhender, quitte à les placer sous mandat d'amener.
Bien connus de la police secrète havraise, de la police mobile et de la gendarmerie, Marcel Pisiaux, né le 25 novembre 1907 au Havre, demeurant 36, rue Saint-Jacques, et Francis Armand Troly, né le 12 avril 1909, docker, ayant demeure rue des Poilus, rue Daguerre et ayant été commerçant dans le quartier Saint-Vincent, étaient appréhendés mardi par le maréchal des Logis chef Valy, les gendarmes Devallière et Brusseaux [ceux de la photo] et amenés au Parquet.
Ils y subirent simplement un interrogatoire d'identité. Ils seront aujourd'hui transférés à Dieppe, à la disposition du juge mandant qui a décerné contre eux un mandat d'amener et qui les interrogera à son tour sur le fond.
Cette laborieuse enquête a ainsi amené, à ce jour, sept arrestations parmi une bande qui a à son actif de très nombreux méfaits."
Deux jours plus tard, le Petit Havre faisait encore écho de ces arrestations et relatait les dernières avancées de l'enquête...
"Les cambriolages de Dieppe - L'instruction concernant les cambriolages de Dieppe vient de faire un sérieux pas en avant."
En effet, dans le courant de l'après-midi de jeudi, l'inculpé Marcel Pisiaux, arrêté au Havre, comme nous l'avons relaté, ayant été habilement interrogé par la gendarmerie, "se mit à table" et narra dans ses détails le cambriolage chez M. Boyenval, entrepreneur de peinture, rue Pecquet, à Dieppe, opération effectuée sur les indications, a-t-il ajouté, de l'autre inculpé Derrien.
Ce fut Troly qui vint avec Pisiaux du Havre, dans la soirée du 13 février. On a su que Francis Troly, marchand de légumes et volailles, ayant fait par intermittence le marché de Dieppe le samedi était divorcé et sur le point de se remarier. Il y a une dizaine de jours, il avait vendu une auto [celle de la photo] et il est probable que cette voiture a servi aux opérations.
Arrivés vers 23 heures à Dieppe, Troly et Pisiaux rejoignirent Derrien et Leplat au café "Tout va bien", quai Henri IV, et où le rendez-vous était fixé. Après avoir pris une consommation, ils se dirigèrent, avec la camionnette, vers la maison Boyenval, où, rapidement, l'enlèvement du coffre s'effectua. Leplat et Derrien restèrent à Dieppe, tandis que les deux Havrais regagnèrenet leur ville. Ils s'arrêtèrent près de Saint-Romain, à Oudalle, où ils défoncèrent le coffre à coups de pioche, près d'une carrière. Pisiaux prit l'argenterie, les bijoux et les titres tandis que Troly gardait l'argent, soit 14.000 francs mais il devait y avoir plus.
Le partage du numéraire se fit aussitôt arrivés à Graville. Pisiaux a déclaré avoir jeté argenterie et bijoux dans un aqueduc et avoir reçu 2.800 francs en espèces. Les titres auraient été brûlés. Ceci semble douteux. Derrien serait venu quelques jours après chercher sa part et celle de Leplat. Il aurait reçu 5.000 francs pour les deux.
D'après Pisiaux, Troly aurait conservé le gros morceau.
A la suite de ces aveux, Pisiaux a été amené devant M. le juge d'instruction, à qui il a renouvelé ces aveux.
Dans le courant de l'après-midi, la reconstitution de cambriolage Lanbion s'est effectuée en présence des magistrats, des avocats et des enquêteurs. Derrien, Lelièvre et Drouot, ayant accompli ce cambriolage, ont renouvelé leurs aveux et précisé chacun leur rôle. Le partage du butin se fit dans la chambre de Derrien. Les clés du bureau et un carnet des assurances sociales furent jetés par eux au bassin Bérigny."
Ainsi se terminent ces récits sur ces cambriolages dans la région havraise et dieppoise au cours de l'année 1932. La Gendarmerie du Havre eut un rôle important dans l'arrestation des malfaiteurs. La photographie de ce gros véhicule que m'a envoyée André Devallière, avec en photo son père, le gendarme Brusseaux et le Maréchal des Logis chef Valli, fut prise le mardi 11 octobre 1932, juste après l'arrestation de Pisiaux et de Troly. La date figure encore au dos du cliché... Belle prise, et très joli souvenir.
Merci André de nous l'avoir fait partager...