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Le Havre d'avant... ou l'histoire en photo de la ville du Havre et des Havrais avant la guerre...
24 avril 2009

Rue de la Hache ou rue Martonne ?

Avant-hier, je vous avais promis un billet sur la rue de la Hache.

Je pensais avoir ce qu'il fallait pour le faire, mais je me suis heurté à un petit problème dont je vais maintenant vous faire part... Il y a très peu de documentation sur cette rue, et encore moins de photos !

Toutefois, je pensais en avoir une... Celle-ci :

A01062
Cote de l'original aux AM : 8Fi5.

Le site des Archives Municipales du Havre indique dans sa description de ce cliché : "Rue de la Hache et des Remparts - Vue sur la rue des Remparts avec des hommes, femmes et enfants posant autour d'une charrette à bras. A droite, l'intersection avec la rue de la Hache et un réverbère accroché à une maison. Au fond, la charrette du balayeur tirée par un cheval blanc, on aperçoit également l'intersection avec la rue du Collège."

Pourtant, quelque chose me turlupinait... J'avais déjà vu cette photographie quelque part, et je ne me souvenais pas qu'il s'agissait de la rue de la Hache ! Après une petite recherche, j'ai retrouvé le cliché qui me titillait... Il figurait dans un précédent article que j'avais écrit sur la rue des Remparts. Il est extrait du fonds photographique de la SHED (Société Havraise d'Etudes Diverses).

A00012

Oui, oui, il s'agit bien de la même maison sur les deux clichés ! Mais alors, cette petite rue qui croise la rue des Remparts... c'est la rue de la Hache ou la rue Martonne ?

Qu'à cela ne tienne, j'ai mené une petite enquête...

Pour ce faire, j'ai utilisé un autre cliché d'Angelo Caccia, le photographe qui avait pris la première vue. Le voici :

A01060
Cote de l'original aux AM : 8Fi6.

Là-encore, il s'agit de la même rue des Remparts... Le site des Archives Municipales indique : "Rue des Remparts (partie ouest) - Dans la rue, des hommes, femmes et enfants posent, deux charrettes à bras stationnent, des réverbères accrochés aux maisons. Deux rues partent sur la gauche. Au fond, la rue de la Corderie et un commerce avec des bouteilles exposées dans la vitrine."

Si vous êtes très attentifs à la première et la troisième photo, vous observerez qu'il s'agit des mêmes maisons prises d'un coin et de l'autre de la rue... Je dirai même qu'elles ont été prises le même jour, quasiment à la même heure ! Et oui... On retrouve la même charrette à bras prise de devant et de derrière, le même monsieur à la moustache, au gilet noir, col en "v" et aux manches blanches, un autre monsieur avec casquette et chemise à manches blanches lui aussi, quelques enfants avec des chapeaux identiques... On retrouve les mêmes réverbères de part et d'autre de la rue... et les mêmes maisons ! Observez bien la maison blanche à deux étages, la grande à trois étages avec des bacs à fleurs aux fenêtres du premier étage, les intersections de rues repérables aux trottoirs qui s'arrêtent et enfin, la lucarne un peu biscornue sur le toit de la maison qui fait l'angle... Convaincus ?

Si vous non, moi si ! Et alors, que vois-je sur le troisième cliché ? On est au bout de la rue des Remparts, cette rue étant fermée par la rue de la Corderie (appelée plus tard rue Emile Renouf). Or, si on prend un plan d'époque, on observe que la première rue qui prend à droite sur la rue des Remparts, en partant de la rue de la Corderie, est bien la rue Martonne !

A01063

Génial, me direz-vous !

Du coup, je peux me mettre en relation avec Cassandre, des Archives pour qu'elle modifie la base de données... Sur le premier cliché (8Fi5), il ne s'agit pas de la rue de la Hache, mais de la rue Martonne. Sur le troisième cliché (8Fi6), on peut apporter des précisions : les deux rues qui prennent sur la gauche par rapport à la rue des Remparts, sont la rue des Boucheries et la rue Martonne.

Génial hein ? Mais vous vous rappelez du sujet de départ ? La rue de la Hache... Comment je fais moi, sans photo ?

Bah, il me reste la description qu'en fait Charles Vesque dans son Histoire des rues du Havre... Je vous la livre donc telle quelle !

"Dans l'arrêté pris par Louis XVI, pour la nouvelle désignation des rues, nous lisons : "La rue en hache, tendant de la rue des Remparts à la rue des Viviers, en passant derrière le couvent des Ursulines, vulgairement appelée rue de la Hache, portera le nom de rue Collette." D'où il s'en suit un "enhachement" qui longeait le couvent des Ursulines pour aboutir dans la rue au Lard, qui n'était alors que le prolongement de la rue des Viviers, dont elle portait le même nom.

A01064

La démolition du couvent la réduisit alors à la modeste étendue qu'elle possède aujourd'hui (voir le premier plan). Quant au nom de Collette qu'elle porta, il rappelle une ancienne famille du Havre ; car on voit dans le dénombrement des fiefs, fait par ordre du Roi, une portion de terrain, sise rue Sainte-Adresse, aujourd'hui rue d'Estimauville, appartenant au sieur Collet, barbier.

En 1735, parmi les propriétés appartenant à l'église Notre-Dame, on cite la maison Collette. La Révolution, et c'est étrange, conserva ce nom à la rue ; nous lisons, en effet, dans un acte administratif de cette époque : "Le Sieur Fortin, demeurant rue Collette." En 1824, la rue porte encore ce même nom, mais, par la suite, elle reprit celui de la Hache. La tradition, assez accréditée, qui prétend qu'un homme fut assassiné dans cette rue à coups de hache, d'où serait venue la dénomination, se trouve donc pleinement démentie par les documents que nous citons ici.

Quant aux maisons de cette rue, nous n'avons rien à en dire, sinon qu'elles sont hideuses à voir à l'extérieur ; quant aux intérieurs, il serait impossible d'en peindre fidèlement l'aspect misérable. Celle qui porte le numéro 4 appartint à Jean-Baptiste Lesueur, père du célèbre naturaliste de ce nom.

On rapporte que, sous Louis XV, un général, en résidence au Havre, voulait faire abattre les maisons des rues qui étaient trop étroites pour donner passage à sa voiture. Il eût été à désirer qu'il se rendit dans celle de la Hache, où les maisons se touchent pour ainsi dire ; en les faisant démolir, les propriétaires étant indemnisés, il eût rendu un grand service à l'humanité car il aurait supprimé une ruelle par laquelle l'air pénètre à peine dans les habitations. On assure que l'administration actuelle songe à élargir cette rue ; nous faisons des voeux pour que ce projet soit mis le plus tôt possible à exécution. Ce sera un véritable bienfait dont on ne pourra qu'être reconnaissant envers nos édiles."

A défaut d'illustrations sur cette rue, vous aurez donc eu un descriptif... qui permet néanmoins aisément d'imaginer quel type de maisons on aurait observé. Je pense que celles visibles autour de la place de la Gendarmerie n'avaient cependant rien à leur envier...

Sources :
- Photographies numériques d'après originaux déposés aux Archives Municipales du Havre : cotes sous chaque photographie.
- Histoire des rues du Havre, Charles Vesque, 1876, Archives Municipales du Havre.
- Le Havre en photographies 1860-1910, Yann Favennec, Fabrice Recher, Pascal Valinducq, Editions François 1er, Le Havre, 2004.

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Commentaires
B
Un tout grand merci pour votre article. Ma maman est une descendante de la famille de Martonne (moi aussi du coup) et a ainsi pu voir à quoi ressemblait la rue Martonne et son quartier.
G
Quel fin limier ce Damien - Il ne lache rien - et c'est fort bien argumenté
D
Non seulement certains se couchent tard, mais en plus, ils se lèvent tôt !!! ;-)
P
je pense la même chose qu'Arnaud !!! Bravo et merci !!!
A
Et bien, si c'est pas de l'investigation ça ... Bravo pour l'enquête !
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