La nef dite Grande Françoise
La nau Françoise devait être la plus grande et la plus belle nef de l'époque. Elle jaugeait 2.000 tonneaux et elle comptait plus de 100 mètres de long, trois rangs de sabords, deux gros mâts et trois misaines à l'arrière. De plus, elle était munie d'une puissante artillerie. On trouvait à bord, une chapelle, une forge, un jeu de paume, un moulin à vent, une maison construite en bois...
Selon Guillaume de Marceilles, la Grande Nef Françoise fut faite en 1520 dans la fosse de Leure, distante du Havre de Grâce d'une lieue, par le capitaine Lespargne, gentilhomme de Bretagne, sous la responsabilité de l'architecte Jérôme Fer. "Elle fut longtemps à bâtir, était plombée à clous de fonte depuis la quille jusqu'à la première ceinte, avec trois rangées de sabords où elle avait son artillerie. Elle était si longue qu'il ne se trouva personne qui du fer d'une boule put atteindre par dedans une extrémité jusqu'à l'autre. Il y avait dedans une fort belle chapelle fondée en l'honneur de Saint-François. Au devant de cette nef était peinte une image de saint François qui est celle encore posée dans l'église Saint-François en la ville avec la figure d'une salamandre. Il y avait aussi dans la dite nef un jeu de paume, une forge, un moulin à vent, et une maison ceinte de bois et au derrière étaient plantées les armoiries de France avec une figure de phénix. En icelle y avait deux gros mâts, y avait quatre hunes l'une sur l'autre assis au petit mât, et trois sur le gros mât. Ce gros mât avait cinq à six brasses de tour, composé et assemblé de plusieurs pièces de bois sur le Perrey. Il ne s' est jamais vu une si grande pièce pour être du port de 2000 tonneaux. Le roi avait projeté de l'envoyer au pays du Levant pour faire tête au grand Turc. Achevée en 1524, elle mesurait 50 toises (97,50 m) de long et avait sept hunes avec le château devant et le château derrière, et avait le bois de quoi elle avait été faite quatre pieds d'épaisseur (1,30 m) et coûta plus de cent mil écus d' or".
Ce gigantesque navire, qui avait coûté plus de trois millions de francs, fut lancé au mois de mars 1524. Il fallait maintenant le faire passer par la Grande Barre dans le Hâvre de Grâce et, de là, lui faire gagner la pleine mer.
Malgré tous les efforts des pilotes et de l'équipage, on ne put le faire sortir du port, qui se trouvait être trop étroit. La profondeur d'eau de la passe, entre les deux jetées, n'offrait pas un tirant d'eau suffisant. Il aurait fallu démolir le port. On ramena donc le navire jusqu'à l'entrée de la Grande Barre, où il resta comme un objet de curiosité jusqu'en 1538.
On attendit la grande marée d'équinoxe du 23 septembre 1533, mais là-encore, ce fut un échec. Le 14 novembre de la même année, lors d'une grosse tempête, le navire rompit ses amarres dans un grain et se coucha sur le côté. Définitivement bloqué dans le port de part ses dimensions, la Nef Françoise fut alors dépecée à partir de 1538. Les matériaux furent employés à construire la plupart des maisons du quartier des Barres.
Les bâtiments de guerre de l'époque, au nombre d'une dizaine au Havre, n'avaient pas changé depuis le moyen âge. On trouvait les nefs et les galères à côté des vaisseaux ronds appelés caravelles.
Ci-dessus, un vaisseau du type de la Grande Françoise. Quoique très lourds, les navires de ce type restèrent en usage jusqu'au XVIIIème siècle, époque où l'on débarrassa le pont des châteaux d'avant et d'arrière, pour donner plus de légèreté à ces navires. La manie de l'ornementation eut alors libre cours...
Source : la citation de Guillaume de Marceilles est extraite du site Patrimoine de France, article 'Bateau de combat : nef dite la Grande Françoise à Le Havre'.
Sur ce dessin de Jacques-Augustin Gaillard, on retrouve les trois étapes de la courte vie de la Grande Nef Françoise : sa construction dans la fosse de Leure en bas à droite, la tentative de sortie du port en bas à gauche, et finalement son échouage et son dépeçage près de la Grande Barre.