La Maison des Veuves
Alors que je me baladais rue de Bretagne pour faire quelques photos de maisons vieilles de plus de 300 ans, m'est venue l'idée de faire ce billet sur l'Hôtel Dubocage de Bléville, aussi appelé au cours des siècles Maison Dubocage de Bléville, Maison des Veuves, ou plus récemment, Musée de l'Ancien Havre...
Dans cet article, cet édifice sera appelé "Maison des Veuves" à cause des photographies qui clôtureront le billet.
Le voici tel qu'on peut le voir aujourd'hui... Rappelons à ce propos que cette maison devrait rouvrir au public à l'automne sous le nom d'Hôtel Dubocage de Bléville. Il sera géré par le service Le Havre - Ville d'Art et d'Histoire et devrait abriter quelques pièces actuellement rangées au Fort de Tourneville, dans les réserves des Archives Municipales.
Euh... ce n'est pas moi qui ai déplacé l'ancre pour la photo... c'est juste que cette photo comme les suivantes datent de l'an passé, alors que les premières ont été prises ces derniers jours ! Mais, je n'avais pas encore eu l'occasion de les exploiter...
L'ensemble de l'îlot où est sise la Maison des Veuves est délimité par les trois rues qui le bordent (la rue Jérôme Bellarmato, la rue Percanville et la rue de Bretagne) et par le chevet de l'église Saint-François à l'ouest. Ce terrain a été acquis par la Municipalité en 1919 aux Holker, descendants et héritiers des Dubocage. Michel Dubocage père et fils avaient eux-mêmes acheté entre 1705 et 1739, cinq parcelles toutes loties au même emplacement.
Il semble que les demeures qui ont abrité le Musée de l'Ancien Havre de 1955 jusqu'à ces dernières années, ont été édifiées avant 1705. Dans son ouvrage Le Vieux Havre en 1928, Raoul Lefaix écrit ceci à propos de la rue Jérôme Bellarmato, rue où donne l'entrée de ces habitations : "La rue du Galet, c'est ainsi que s'est longtemps appelé la rue Jérôme Bellarmato, n'a été définitivement tracée qu'après la construction de la Manufacture des Tabacs, qui la borde entièrement à l'est. La Manufacture y avait ses tueries au coin du quai Lamblardie, elles ont été remplacées par un lavoir public également disparu. La maison portant le n°1, est située dans la cour. Elle servit d'habitation à Dubocage-de-Bléville, célèbre navigateur qui partit du Havre, en 1707, à bord de la "Découverte" pour un voyage autour du monde et ne revint qu'en 1716, avec une collection d'histoire-naturelle. Il acheta la terre de Bléville dont il prit le nom. Construite en pierres et silex taillés, cette habitation rappelle les manoirs cauchois de cette époque. Elle est très bien conservée et sert aujourd'hui, d'asile pour les veuves. L'immeuble n°3, ne fait qu'un, pour ainsi dire, avec celui portant le n°1, quoi qu'il soit d'une construction toute différente étant en colombage. Il était également à l'usage des Dubocage-de-Bléville, mais sa construction paraît antérieure à celle du manoir. Une plaque y est apposée qui rappelle les noms des anciens possesseurs..."
Les deux bâtisses ont toutes les deux été classées en 1950, avant la démolition de l'ancien magasin à sel qui obstruait la vue sur la rue de Bretagne et dont il ne reste qu'un mur sur la rue Bellarmato (le n°5 de la même rue faisant partie des sept immeubles évacués et démolis par la commune en 1931 - les autres étant les 2 et 2 bis rue de l'Arsenal, le 24 rue de la Gaffe et les 27 à 31 rue Saint-Jacques, tous dans le quartier Notre-Dame).
Replongeons-nous maintenant dans le passé, et découvrons ces édifices il y a un siècle...
Cet édifice servit à partir de 1908 d'asile pour les veuves de marins avant de devenir le Musée de l'Ancien Havre en 1955, d'où son appellation "la Maison des Veuves".
Cette maison avait échappé à la démolition, à cette époque, grâce à l'action du Syndicat des Marins de la Ville du Havre qui voulait en faire une Maison des Marins. La maison désaffectée servait de dépôt de pommes de terre pour les navires et les entrepôts de fibres. Il s'y trouvait également un atelier de voilerie et quelques logements vétustes. Elle fut rachetée par la Ville dont M. Génestal était le maire et M. de Coninck l'adjoint au maire, sous réserve de son usage pour les oeuvres publiques. C'est Monsieur Landrieu, vice-président du Bureau de Bienfaisance, qui en fit une Maison des Veuves.
La maison était entourée de grilles, ce qui lui valait le surnom de "Rempart des Béguines" en référence au roman de Françoise Mallet-Jorris. Les veuves de marins étaient rassemblées en communauté. Elles avaient la particularité de coiffer le petit bonnet qu'on appelle le "béguin" et qui était alors la marque du veuvage. Ce béguinage subsista de longues années.
Vous allez maintenant pouvoir apprécier sept photographies trouvées aux Archives Municipales du Havre. Elles datent toutes de 1913, sauf la première qui peut avoir été prise entre 1894, date à laquelle la rue prit le nom de rue Bellarmato et le début du XXe siècle. Je profite de ce billet pour vous inciter à vous rendre aux Archives et pourquoi pas à voir ces documents de visu, ce qui est beaucoup plus émouvant que sur un blog ! Par la même occasion, je remercie Cassandre, Marie-Armèle, Pierre, Pascal et Hervé, présents cet après-midi aux Archives, pour leur disponibilité et leur gentillesse...
Cote de l'original aux AM : 7Fi80.
Cette photo est prise de la rue du Grand-Croissant (actuelle rue de Bretagne). Des enfants jouent dans la rue Jérôme Bellarmato. A droite, on peut observer l'angle du bâtiment de la manufacture des Tabacs. A gauche, au premier plan, l'ancien grenier à sel n'a pas encore été démoli. Au fond, le quai Lamblardie et le bassin du Commerce.
Cote de l'original aux AM : 7Fi184.
Cote de l'original aux AM : 7Fi186.
Cote de l'original aux AM : 7Fi188.
Cote de l'original aux AM : 7Fi187.
Cote de l'original aux AM : 7Fi185.
Cote de l'original aux AM : 7Fi183.
Sources :
- Le Vieux Havre en 1928, Raoul Lefaix, Editions La Galerne, Fécamp, 1993.
- Saint-François, Port d'attache, Max Bengtsson, Editions de l'Estuaire, Fécamp, 2002.
- Photographies numériques d'après originaux déposés aux Archives Municipales du Havre : cotes sous chaque photographie.
- Photographies personnelles.