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Le Havre d'avant... ou l'histoire en photo de la ville du Havre et des Havrais avant la guerre...
26 août 2008

La Maison de la Miséricorde

En 1788, on estime à 4.000 le nombre de pauvres secourus au Havre. L'administration est même incapable d'en dresser une liste, comme j'en avais déjà parlé dans ce post intitulé La misère au Havre en 1789.

La raison est essentiellement structurelle. On vient au Havre de partout, sans doute des riches pour voir un port ou embarquer, des marchands pour commercer, mais aussi des pauvres en quête de travail ou d'aumônes, et comme le dit Mahieu, le curé de l'église Notre-Dame à cette date : « Ouverte et accessible de tous côtés, soit par terre soit par mer, (la ville du Havre) est comme un centre où viennent aboutir tous les jours un grand nombre d'étrangers. Ce sont le plus souvent des malheureux qui semblent fuir devant la misère qui les poursuit. Ne pouvant aller plus loin, ils s'arrêtent au Havre... »

L'Hôpital, largement évoqué dans les articles des jours précédents, ne pouvait à lui seul s'en occuper.

A partir du XVIIe siècle, il va être aidé dans sa tâche par la Maison de la Miséricorde. Dans la ligne du mouvement déclenché par Vincent de Paul en 1617 lorsqu'il créa les Dames de Charité, s'est fondée au Havre une institution dont on apprend l'existence en 1648, lorsqu'une requête est présentée aux échevins par les "dames préposées et nommées pour la subvention des pauvres de la Miséricorde". Elles demandent à recevoir des capitaines arrivant de la pêche à la morue afin de vendre du poisson au profit des pauvres. Elles secourent aussi les pauvres honteux, visitent les malades et apportent à tous des consolations.

Continuant leur oeuvre, en 1669, en même temps que la fondation de l'Hôpital général, elles se constituent en congrégation sous le titre et l'invocation de Notre-Dame de la Miséricorde.

Le 5 novembre 1686, elles se voient attribuer la concession d'une poignée de morue de chaque navire venant de Terre-Neuve.

En 1743, l'école de dentelle de l'Hôpital étant en décadence, elles obtiennent de l'Archevêque de Rouen d'en créer une, afin de donner aux pauvres le moyen de gagner leur vie par un travail manuel, mais aussi et sans doute dans leur esprit, de soustraire les jeunes filles au libertinage et de les soumettre à une influence spirituelle chrétienne.

En 1761, elles obtiennent de Monseigneur de La Rochefoucauld, archevêque de Rouen, deux religieuses pour les écoles et deux soeurs de Saint-Dominique pour enseigner la dentelle et célèbrer les vertus du travail manuel. C'est peut-être là d'ailleurs que fut créé au Havre le premier enseignement professionnel !

L'école prospère vite et en 1762, elle compte dans ses trois classes présidées par six maîtresses pas moins de cent vingt élèves. La fabrication de la dentelle deviendra vite une des principales occupations des femmes et filles de pêcheurs et de marins du Havre.

La Miséricorde se définit comme "une société de Dames respectables de la ville du Havre qui se dévouent à l'envi au service des pauvres de ladite ville, du consentement et avec l'aide de M. le curé, qui est le chef né de cette congrégation". Il y a une supérieure, une trésorière et une distributrice. Elles se définissent comme missions de :

  • fournir tant en argent qu'en effets aux besoins des familles indigentes, saines et valides.
  • de soutenir tant en bouillons qu'en médicaments les pauvres malades dont les infirmités ne sont point assez graves pour être envoyés à l'hôpital. En effet, elles s'engagent à secourir les pauvres et leur fournir trois fois par semaine pain, cidre, vin, viande, bouillon, linge et médicaments pendant le cours de leur maladie.
  • entretenir plusieurs écoles qu'elles veulent gratuites, écoles où les petites filles sont instruites tant des principes de la religion chrétienne que de la manière de gagner honnêtement leur vie.

Leurs revenus proviennent de quêtes, de dons, de rentes, et de revenus d'immeubles...

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Testament d'Anne Closser, en faveur de la Miséricorde.

Les dons recueillis lors du voyage de Louis XVI, le 28 juin 1786, permirent à l'institution d'acheter à l'hôpital un terrain rue d'Estimauville pour y construire un immeuble dont la première pierre fut posée le 19 juin 1788. Ce n'était pas un luxe car la maison consacrée aux utiles travaux de l'institution tombait de vétusté. Aux dons s'ajoutèrent les fonds de l'abbé Anfray, bienfaiteur de ce pieux établissement. L'abbé Guillaume Anfray, né au Havre en 1731 et décédé à Ingouville en 1807, s'exila peu de temps après en Angleterre à cause de la Révolution. Il y écrivit ses Feuilles Civiques ou Galerie Hâvraise, recueil de biographies havraises...

Une plaque de cuivre sur laquelle furent gravés les noms des principales autorités ecclésiastiques, militaires, civiles et de bienfaisance fut posée le 19 juin 1788 sous la première pierre de cet édifice consacré au soulagement des pauvres et à l'éducation de leurs filles.

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Texte de la plaque commémorative de la pose de la première pierre de la Miséricorde.

Comme on l'a vu plus haut, le Roi apporta sa pierre à l'édifice. Voulant venir au secours de cet établissement aussi utile qu'important à la ville en général, et à la Marine en particulier puisqu'il instruisait chaque année un grand nombre d'enfants de marins et d'ouvriers classés, morts au service, il ordonna au Ministre de la Marine d'autoriser l'Intendant du port du Havre par une dépêche du 21 mars 1788, à délivrer des chantiers du port, 1200 pieds cubes (soit 390 mètres cubes) de bois de chêne pour la construction de cette maison de charité.

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Immeuble de la Miséricorde édifié en 1788. Aquarelle.

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Le même. Encre.

Cet édifice, dit Maison de la Miséricorde, était situé au 24, rue d'Estimauville.

Peu de temps après la construction de ce bâtiment, Jacques Antoine Mahieu, nommé curé de l'église Notre-Dame le 18 décembre 1762, fut obligé de sortir de France le 27 mai 1791, à cause de la Révolution.

Onze ans plus tard, le 9 septembre 1802, on créait le Bureau de Bienfaisance en lieu et place de la Maison de la Miséricorde...

Je vous reparlerai de ce bureau demain.

Sources :

- Archives Municipales du Havre, Fonds ancien, GG 557. Les documents présentés dans cet article sont des photographies de feuillets issus de ce dossier.

- Petite histoire illustrée du Havre, Beaucamp et Le Grix, Le Havre 1893.

- Le Havre de 1517 à 1966, 2500 dates au fil des années, Michel Eloy, Le Havre 1967.

- Regards sur quatre siècles de vie hospitalière au Havre, Philippe Manneville, Centre Hospitalier du Havre, éditeur, 1994.

- Les manuscrits retrouvés de Jacques Augustin Gaillard, une histoire du Havre et des Havrais écrite de 1810 à 1824, textes recueillis, présentés et annotés par Hervé Chabannes, Editions PTC, 2006.

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Commentaires
D
A ma connaissance, il n'y eut jamais de "tour" à l'hospice du Havre...<br /> Je vous mets en lien le premier billet que j'ai consacré aux hôpitaux du Havre : http://lehavredavant.canalblog.com/archives/2008/08/04/10139125.html <br /> L'Hôpital d'Ingouville dont vous parlez est celui-ci : http://lehavredavant.canalblog.com/archives/2008/08/18/10246102.html <br /> Les billets des 19, 22, 23 et 25 août 2008 traîtaient aussi du sujet...<br /> J'avais photographié quelques documents sur les enfants abandonnés... si je les ai toujours, je vous les enverrai sur votre boîte mail.<br /> Amicalement<br /> Damien
P
Bravo pour ce site passionnant où je viens glaner des bribes de ce que fut la vie de mes ascendants au Havre pendant un siècle (1826-1825)<br /> <br /> Mon arrière Grand'père Alexis VILLEBROD né de parents inconnus fut - selon son acte de naissance - déposé le 7/11/1826 à la porte de l'hopital du Havre-Ingouville.<br /> (La tradition familiale dit qu'il y avait là un tourniquet pour l'abandon anonyme des enfants naturels)<br /> C'est la mère supérieure de l'hôpital qui vint le surlendemain déclarer l'enfant à l'officier d'état civil de la mairie d'Ingouville.<br /> <br /> Sait-on où se trouvait exactement cet hôpital, en a-t-on des documents (dessins, photos ?)<br /> <br /> Merci pour toute info que vous ourrez me faire parvenir
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