Stendhal au Havre...

Cette vaste demeure fut édifiée par Dubuc en 1788, mais elle ne devint l'Hôtel de l'Amirauté qu'en 1830.

Sept ans plus tard, Henri Beyle, dit Stendhal y descendit "dans une belle chambre au second étage avec vue sur le port". La salle où il s'ennuya si fort en dînant possédait une vaste cheminée au foyer ornée d'une plaque en fonte figurant les Trois Parques, aujourd'hui accrochée sur les murs des Archives Municipales du Havre, au fort de Tourneville.

Mais, en fait, cette petite digression sur l'Hôtel de l'Amirauté et Stendhal n'est qu'un grossier prétexte pour vous parler d'une oeuvre beaucoup plus contemporaine liée à Stendhal, et plus précisément à la rue Stendhal du Havre.

Il y a quelques jours ont été achevés dans cette rue, quatre anciens logements d'instituteurs, réhabilités par la Société Alcéane. En voici quelques photos...

La presse locale avait déjà souligné cette initiative dans son édition du 17 juillet dernier.

Et je trouve que ce type d'initiative artistique est effectivement à souligner et à mettre en valeur, même si cela déborde un petit peu de la thématique stricto sensu du blog...

Le thème du Rouge et du Noir s'est imposé comme une évidence dès lors qu'Alcéane a voulu réhabiliter ces logements situés rue Stendhal, à Dollemard. Tout d'abord, le Rouge et le noir n'est-il pas le roman le plus connu de Stendhal ? Mais surtout, c'est sans doute celui dont le titre est le plus évocateur dès lors qu'on veut l'illustrer ou le représenter...

Les portes d'entrée et les boîtes aux lettres de chaque appartement ont donc été peintes en rouge et noir, de manière alternée.

                   

Mais ce n'était pas suffisant pour Jean-Pierre Niot, directeur d'Alcéane depuis 4 ans, qui voulait quelque chose de plus visuel. M. Niot et la nouvelle direction d'Alcéane désirent en effet mettre une touche artistique dans le cadre des nouveaux projets de réhabilitation d'Alcéane...

Il a alors fait appel à Nouba Hilselberger, agent technique au service maçonnerie-assainissement d'Alcéane (auparavant OPHLM) depuis 22 ans. Cet ouvrier avait déjà fait reconnaître ses talents d'artiste par le passé, en participant notamment à différents projets artistiques de sa société, comme la réalisation d'une maquette pour la décoration extérieure d'un bureau itinérant fait dans un ancien bus, la réalisation de différents logos d'Alcéane sur différents supports, ou plus récemment en façonnant la statue de musicien, dressée devant l'enceinte de la résidence Atahualpa, rue Salvador Allende. Cette statue fait suite à une clôture en fer forgé qui représente une phrase musicale que l'on peut jouer...

               

Lors de cette réalisation, la direction d'Alcéane avait demandé aux ouvriers de ses ateliers si quelqu'un était capable de présenter un projet sur le thème de la musique. Nouba Hilselberger, artiste complètement autodidacte, avait proposé une maquette d'un homme tenant un instrument de musique. Ce projet sera finalement retenu et l'oeuvre réalisée en fer forgé.

Quand s'est décidé le projet du Rouge et le noir, la direction d'Alcéane est directement venu le voir en lui disant : "le Rouge et le noir, ça t'inspire quoi ?" Se doutant qu'une oeuvre sur Jeanne Mas n'ayant pas grand intérêt, il proposa une nouvelle maquette qui représentait un livre d'où sortait une feuille blanche, à côté duquel était posée une plume. Là encore, le projet fut retenu, mais M. Niot lui demanda de remplacer la plume par une souris, de façon à relier tradition et modernité. Comme ses collègues lui posait souvent la question "pourquoi une souris ?" M. Hilselberger ajouta le clavier d'ordinateur... Dans le même esprit, des écrans d'ordinateurs réalisés en fer forgé et reprenant une citation du Rouge et le noir furent apposés sur les murs de chacune des maisons.

             

Pour faire en sorte que ce projet n'ait rien à voir avec celui de la résidence Atahualpa, mais aussi pour s'inscrire dans la modernité voulue par son directeur, Nouba Hilselberger prit le parti de changer de matière et de travailler le béton. Il réalisa d'abord un coffrage et coula son béton ensuite. La sculpture pèse 900 kilos et représente un mois et demi de travail effectif... Une peinture rouge fut ensuite appliquée sur le livre, laissant un effet marbré qui rappelle bien les reliures anciennes.

Cette réhabilitation avec touche artistique est la quatrième réalisée par Alcéane, après la Résidence des Docks (Quartier de l'Eure), la Résidence Turgot (à côté de la gare) où l'on fit appel à des artistes locaux comme Hanin pour réaliser des fresques picturales et bien sûr la Résidence Atahualpa...

D'autres projets sont en cours. Nouba Hilselberger a notamment fait acte de candidature en déposant une maquette pour le Clos aux cigognes, un petit lotissement en construction face au Stade Youri Gagarine.

Il a aussi exposé quelques oeuvres aux Artistes ouvriers que j'ai eu le privilège de photographier.

          

      

Peintre à ses heures, il avait aussi tiré le portrait de ma fille il y a quelques années, tableau qu'il m'avait ensuite offert.

J'en termine ici avec cette digression qui fut finalement plus longue que prévue. J'espère avoir été le plus complet possible à propos de ces logements en rouge et noir et de l'auteur qui a réalisé la sculpture qui les met en valeur.

Vous pourrez compléter l'article en allant voir les photos que GL a fait de ces maisons il y a quelques jours. C'est sur le blog Havre Aplemont Photo... Vous trouverez notamment les quatre citations extraites du roman de Stendhal et présentes sur les façades des appartements.

La citation du début de l'article est extraite de l'ouvrage Mémoires d'un touriste de Stendhal. Vous pourrez lire l'intégralité de ses impressions lors de ses pérégrinations dans les rues du Havre à cette adresse.

Enfin, pour clore définitivement l'article, je voudrais adresser un grand merci à Nouba pour sa disponibilité, ses explications et le bon repas que nous avons partagé mardi !

Comments

[Damien]

Oui, je passe devant quasiment tous les jours... j'avais aussi remarqué.

[GL]

La plaque a été corrigée

[GL]

Félicitations pour toutes ces explications et illustrations. Merci d'avoir mentionné ma récente publication.
Je ne savais pas que la presse avait mentionné cette initiative et c'est tout à fait par hasard que j'ai découvert cette oeuvre dimanche matin.
Tu as peut-etre remarqué qu'un lecteur perspicace de mon blog a déploré qu'une des citations comporte une faute:
"Toute VRAI passion..." au lieu de VRAIE. J'espère qu'alcéane corrigera.
Amicalement
Gérard