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Le Havre d'avant... ou l'histoire en photo de la ville du Havre et des Havrais avant la guerre...
7 septembre 2008

Au Havre pendant le Siège (8/14)

Suite du récit de Pierre Courant, maire du Havre pendant l'Occupation...

Le début de cette série d'articles se trouve ici : Au Havre pendant le siège, avant-propos.

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Les journées tragiques

Siège et bombardements

Jeudi 7 Septembre 1944

Une nouvelle aube se lève sur des destructions et des ruines. La pluie tombe, il fait presque froid et les terres labourées par les bombes sont détrempées par les eaux.

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Un malheur affreux s'est produit sur le plateau : plus de trois cents personnes sont ensevelies ensemble.

Samedi dernier, les Allemands ont, contre tout sentiment d'humanité, pris possession d'une partie des abris-cavernes aménagés pour la population, notamment de la partie Sud du tunnel de six cents mètres perçant la côte, des abris Gabriel-Fauré et de Soquence. Sept à huit mille personnes au total y avaient séjourné en sûreté lors des grands bombardements précédents.

J'ai protesté par tous les moyens. Par deux fois, j'ai fait porter au colonel les notes où je demandais la restitution de ces abris. Hier matin, j'insistais encore en lui disant que sa responsabilité était engagée lourdement et que plusieurs centaines de personnes étaient mortes parce que les abris ne nous avaient pas été rendus. Aucune réponse n'est venue et l'affluence était telle hier soir, à l'entrée de l'abri-tunnel côté Nord, qu'au moment du bombardement plus de trois cents personnes impatientes de se protéger ont ouvert près de là un simple couloir percé sous terre, premier élément du tunnel routier de descente dont les travaux ont dû être interrompus en raison des ordonnances allemandes sur l'emploi de la main d'oeuvre et de l'électricité. Dans ce trou, qui n'a jamais pu être aménagé pour le public ni signalé comme abri, les infortunés se sont réfugiés après avoir enfoncé la fermeture. Le couloir ne comportait qu'une issue. Par malheur, un grosse bombe est tombée sur elle et les eaux ont produit un glissement de terrain qui a achevé de tout obstruer.

Les sauveteurs ont travaillé toute la nuit ; ils ont achevé la galerie d'accès et commencent à dégager les premières victimes, dont sept seulement seront ranimées. On retirera trois cent vingt-six malheureux groupés à l'entrée, crispés dans l'attente des sauveteurs, qui ont fait le maximum pour les ramener à la vie. Pauvres victimes du tunnel Jenner !

Sur le plateau auprès de là, une délégation municipale dirigée par Audrain fait de son mieux pour nourrir, pour aider et pour soigner les misères.

En même temps, au lycée, est ouverte une cantine qui sert déjà plusieurs milliers de repas et les premiers secours sont versés aux sinistrés. Une foule nombreuse attend aux portes des bureaux nouveaux.

L'un de nous a été victime des bombardements. Le commandant Abadie, adjoint à la Défense Passive, a été blessé dans les ruines de sa maison détruite. Il doit cesser son activité. C'est pour tous une perte sensible.

Dans la journée, le sous-préfet reçoit en ma présence la visite du commandant Brock venu nous demander l'état de nos ressources alimentaires après les destructions. Plusieurs dépôts de lait condensé ont été incendiés et aussi une petite partie des réserves de farines défendues avec tant de peine pendant la période qui a précédé le siège. Les Allemands renoncent à prendre une partie de ces réserves. Nous en sommes d'autant moins reconnaissants que la garnison est peu nombreuse et que nous la savons bien pourvue. Le commandant Brock affecte de penser que le siège sera long, mais nous avons peine à le croire sincère car au lieu d'enfermer dans Le Havre une armée de cinquante mille hommes comme ils l'envisageaient l'an dernier les Allemands sont tout au plus une douzaine de mille et leur moral est bas, les soldats se rendant compte qu'il leur est impossible de défendre le très grand camp retranché tracé autour du Havre.

Un sous-officier apporte au lycée une lettre adressée au sous-préfet qu'il n'a pu trouver. Elle répond à diverses communications et en tête il est question de ma demande de restitution des abris-cavernes. On nous rend seulement la partie de l'abri chirurgical du bois Cody, qui avait été réquisitionné. C'est une dérision, car l'ennemi n'a jamais pris possession de cet abri, l'un des trois hôpitaux souterrains que possède la ville, seule sans doute en France à en avoir plusieurs. Je prie le sous-officier de dire au colonel que j'interprète son silence comme un refus et que je me souviendrai de ce refus. Le feldwebel souligne qu'il n'y peut rien lui-même, qu'il n'a commis aucune faute. Quel changement depuis que la retraite vers l'Allemagne est coupée !

A propos des 319 victimes du Tunnel Jenner, disparus le 6 septembre 1944, GL leur a rendu un très bel hommage, volontairement sobre, sur son blog Havre Aplemont Photo.

Faute de temps, mon post d'hier ne comportait que du texte. Je l'ai réédité en ajoutant quelques photographies et en le complétant avec un petit article paru dans la presse locale du 6 septembre 2008.

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Commentaires
P
Ce livre ne me dit rien Geo...<br /> Quel en est le titre ?<br /> Sinon, je connais le témoignage de M. Canu. Poignant...
G
Dans le livre de Georges Godefroid, on peut lire que lorsque les premiers secouristes ont pénétré dans la galerie éffondrée du Tunnel Jenner, plus de 300 personnes étaient là, figées, les yeux grands ouverts...sans vie. D'après certains témoignages, les gens avaient gardé une posture qui faisait croire qu'ils étaient vivants. Les dernières minutes dans ce tunnel ont du être épouvantables...surtout pour les rares survivants qui ont gardé ces images dans leur mémoire. (Je pense notamment à Monsieur Canu, qui témoignage dans le film Table Rase et qui faisait le sujet d'un article dans le journal l'année dernière).
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